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MOYEN-ÂGE ET RENAISSANCE
- MULTIVERS -




  Moyen Âge et Renaissance  

« L’extrême liberté des atomistes grecs ne pouvait pas convenir aux grands systèmes du Moyen Âge. La pluralité des mondes grecs était toujours, d’une manière ou d’une autre associée à un refus du finalisme, ce que souligne, au XIIIe siècle, Thomas d’Aquin : “C’est pourquoi ceux-là seuls ont pu admettre une pluralité des mondes, qui n’assignaient pas pour cause à ce monde-ci une sagesse ordinatrice, mais le hasard. Ainsi Démocrite disait que la rencontre des atomes produit non seulement ce monde, mais une infinité d’autres.” La solution de saint Thomas pour qui tout s’arrime nécessairement à un principe unificateur et organisateur, est connue : “La raison pour laquelle le monde est unique, c’est que toutes choses doivent être ordonnées à un but unique selon un ordre unique. [...] Et Platon prouve l’unité du monde par l’unité de l’exemplaire dont il est l’usage.” Autrement dit : “l’unicité du monde découle de sa finalité”. Le système théologique ferme les portes ouvertes par les libres penseurs grecs. 

La Renaissance voit à nouveau fleurir les mondes multiples. Nicolas de Cues - contemporain de la redécouverte de Lucrèce - pose, dans sa Docte Ignorance publiée en 1440, les fondements d’une cosmologie post-médiévale empruntant à Empédocle, philosophe et médecin grec du Ve siècle avant J.-C., l’image d’un “Univers qui a son centre partout et sa circonférence nulle part”. De façon remarquable, il envisage une pluralité de mondes dont les habitants se distingueraient par leurs caractères propres : “Nous soupçonnons que les habitants du Soleil sont plus solaires, éclairés, plus illuminés et intellectuels ; nous les supposons plus spirituels que ceux qui se rencontrent sur la Lune et qui sont plus lunatiques ; sur la Terre enfin, ils sont plus matériels et plus grossiers. [...] Il en est semblablement des régions des autres étoiles, car aucune d’elles, pensons-nous, n’est privée d’habitants. »

Nicolas de Cues ouvre une brèche vers la pluralité dans laquelle s’engouffrera Giordano Bruno, philosophe italien mort brûlé vif en 1600 : “Fais-nous encore connaître ce qu’est vraiment le ciel, ce que sont les planètes et tous les astres ; comment les mondes infinis sont distincts les uns des autres; comment tel effet infini n’est pas impossible, mais nécessaire […] Apporte-nous la connaissance de l’univers infini. Déchire les surfaces concaves et convexes qui terminent au-dedans et audehors tant d’éléments et de cieux. Jette le ridicule sur les orbes déférentes et les toiles fixes. Brise et jette à terre, dans le grondement et le tourbillon de tes arguments vigoureux, ce que le peuple aveugle considère comme les murailles adamantines du premier mobile et du dernier convexe. Que soit détruite la position centrale accordée en propre et uniquement à cette Terre. [...] Donne-nous la science de l’équivalence de la composition de notre astre et monde avec celle de tous les astres et mondes [...]. Montre que la consistance des autres mondes dans l’éther est pareille à celle de celui-ci.” Qu’on ne s’y trompe pas: Bruno ne se contente pas d’arguer contre le géocentrisme, c’est toute l’armature conceptuelle du cosmocentrisme qui est patiemment mise à mal. Tout en maintenant la distinction entre Dieu et l’Univers, Bruno élimine la transcendance, en considérant l’un et l’autre comme deux faces internes d’une même réalité, qui ne saurait exister séparément.

« Son frère de cœur français, François Rabelais (1483 ou 1494-1553), propose des univers multiples en un sens finalement très différents bien qu’indéfectiblement lié. Il mentionne explicitement l’existence de “plusieurs mondes”. Suivant le cycle du temps, il tomberait des vérités dans les mondes disposés selon une structure triangulaire autour du cercle des idées platoniciennes. Les mondes de Rabelais ne sont pas “autre part” comme chez Bruno. Ils sont sous ou dans le nôtre, à l’image des oiseaux qui volent dans la bouche de Pantagruel. Bruno est dans le langage vernaculaire de la philosophie, il cherche, cohérence logique et une vision holiste, c’est-à-dire globale et exhaustive. Rabelais, quant à lui, est dans la narration de la Nature et l’auto-exégèse de sa propre narration : ils’interprète lui-même autant qu’il interprète le monde. »



 
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